Contexte et motivations de la suspension
Le 6 décembre 2024, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a pris la décision controversée de suspendre plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) au Cameroun, dont le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC) et Reach Out Cameroun. Cette mesure survient dans une période de tensions grandissantes entre le gouvernement et la société civile. Elle a été justifiée par des allégations de financements illicites et d’activités nuisibles pour le système financier national.
Les autorités camerounaises mettent en avant des irrégularités financières estimées à environ 16 milliards de francs CFA sur deux ans, révélées par l’Agence Nationale de Lutte contre la Criminalité Financière (ANIF). Ces accusations soulèvent des questions cruciales sur la transparence et la responsabilité des ONG, dont le rôle est vital pour le soutien des populations vulnérables. Dans un pays déjà éprouvé par des conflits internes et des crises humanitaires, leur présence est d’autant plus nécessaire.
En outre, le ministre a dénoncé l’absence de justification concernant l’utilisation des financements reçus, ainsi que le non-respect des dispositions légales liées à leur fonctionnement. Cette situation met en exergue les défis auxquels sont confrontées les ONG au Cameroun, où la régulation de leur activité est souvent perçue comme une forme de contrôle gouvernemental.
Réactions et implications pour la société civile
La réaction des ONG visées a été rapide et forte. Maximilienne Ngo Mbe, directrice exécutive du REDHAC, a partagé son indignation sur les réseaux sociaux, affirmant : « nous ne nous laisserons pas faire ». Hilaire Kamga a également dénoncé cette décision, qualifiant celle-ci de tentative de neutraliser la société civile. Ses mots, « vous pouvez essayer de suspendre des associations, mais vous ne pourrez jamais suspendre des citoyens », illustrent la résilience face à la répression.
Les critiques s’étendent au-delà des ONG. Des figures politiques comme Me Akere Muna, avocat, ont exprimé leurs inquiétudes. Muna a soutenu que ces actions s’opposent aux principes constitutionnels et restreignent l’espace pour la société civile. Cela pourrait avoir des conséquences néfastes sur la démocratie ainsi que sur les droits fondamentaux des Camerounais.
Cette suspension pourrait également impacter la coopération internationale. Les partenaires au développement, traditionnellement en soutien aux ONG, pourraient revoir leur engagement dans un contexte devenu hostile. Cela pose une question essentielle : quel sera l’avenir de l’aide humanitaire et des programmes de développement alors que les besoins ne cessent d’augmenter ?
Un tournant dans la relation entre l’État et la société civile
La décision de suspendre ces ONG s’inscrit dans un contexte plus vaste de tensions entre l’État et la société civile. Depuis plusieurs années, le gouvernement intensifie ses efforts pour contrôler les activités des ONG, justifiant ces mesures par des préoccupations de sécurité nationale. Cependant, beaucoup y voient une répression des voix critiques.
Ce climat de méfiance s’est intensifié avec des événements marquants, comme la suspension de Médecins sans frontières (MSF) en 2020, accusée d’assistance à des séparatistes. Ces incidents soulignent une tendance inquiétante : la criminalisation de l’aide humanitaire et la stigmatisation d’organisations qui tentent d’opérer dans des contextes difficiles.
Alors que le Cameroun fait face à des défis évidents, notamment des conflits et une crise humanitaire, l’exclusion des ONG pourrait aggraver les problématiques existantes. Ces organisations jouent un rôle clé dans la fourniture d’assistance nécessaire aux populations touchées par la guerre et la pauvreté. Leur disparition pourrait entraîner des conséquences désastreuses pour les plus vulnérables.